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Atelier d'écriture - Ecrire sur une photo

Pour ce texte, il fallait choisir une photo et écrire un texte dessus.

Étonnement mon choix a porté sur : les trains :-)

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Samedi matin - Gare St-Lazare

Je suis devant les quais de la gare St-Lazare... il est encore tôt aujourd'hui et je regarde les gens qui marchent, courent et se bousculent... les fêtards qui rentrent après une nuit bien arrosée, les matinaux qui espèrent arriver aux magasins avant les premières bousculades...

Cela peut paraître incongru de se retrouver là, en simple spectateur, juste pour le plaisir, mais c'est une chose dont je ne me lasse vraiment pas...
Je crois que j'ai toujours aimé les gares et leur atmosphère... On y trouve de tous les milieux ou presque, tous les âges, tous les styles... Mais depuis que je me suis installé à Paris pour mes études, combien de fois ne suis-je descendu gare St-Lazare, juste pour le plaisir d'observer ?
Car St-Lazare c'était ma gare, celle qui pouvait me ramener chez moi, celle aussi qui me permettait de m'évader !

C'était toujours le même rituel : lorsque les révisions ou l'internat me pesaient trop, je sortais de l'école et je descendais la rue de Rome... la boutique de photocopies, le marchand de piano, station Liège, la gare qui se rapproche... et toujours la même impatience...

D'abord côté Rome, les gens qui vont à leur travail le matin, qui en reviennent le soir, flot gris de voyageurs, le mouvement ordinaire des trains de banlieue... métro-boulot-dodo... que de tristes mines dans cette marée humaine ! Visages fermés, mallettes au bras... ce qui m'attendra sans doute moi aussi plus tard...
Puis je traversais la gare jusqu'au côté Havre. J'adorais y passer mon week-end, voir les familles qui se retrouvent, les amoureux qui se disent au revoir, les embrassades, les larmes parfois...
Toute la vie était là, du plus monotone au plus émouvant.

Et puis voilà qu'un jour, Elle est apparu. Elle, toute seule au milieu de la foule.
Petite silhouette emmitouflée dans son manteau d'hiver, belle si belle... un sourire aux lèvres qui a illuminé la gare le temps de son passage, juste un instant, quelques secondes tout au plus avant que la foule ne l'arrache à mon regard.
Elle m'a souri je crois... non, je ne crois pas, j'en suis sûr !

Le lendemain, je suis revenu, à la même heure, malgré les cours. Je ne pouvais ôter son visage de mon esprit. Il fallait que je la revois. Bien sûr, elle n'y était pas... Quelle folle illusion avait pu me faire imaginer le contraire ?

Pourtant, aussi tenu soit-il, je ne voulais renoncer à cet espoir.
Tout être censé m'aurait dit que c'était en pure perte mais je m'obstinais, délaissant les devoirs, les amis... l'esprit entièrement tendu vers Elle, Elle qui m'obsédait et hantait mes nuits.

Cela dura une semaine, un mois... mais je ne renonçais pas...

Et nous voilà par ce froid matin de février. Encore une matinée passée à attendre... attendre un fantôme... un rêve peut-être ? A-t-elle seulement réellement existé ?

Je repars donc, triste et déçu, comme à mon habitude... sauf que cette fois-ci....

Avez-vous déjà eu l'impression de faire partie d'une scène de cinéma ? Là, tout y était : le mouvement ralenti de la foule, le spot qui guide le regard, la musique d'ambiance, le long plan séquence qui parcours toute la gare jusqu'à tomber sur Elle, droite, fixant la caméra, nimbée de lumière.
Oui, c'est bien elle, devant moi, et cette fois-ci, il n'y a pas de doute elle me souri.
Cela dure longtemps, très longtemps... je n'ose pas bouger, elle non plus nous savons qu'au moindre geste le temps reprendra son cours et nous seront happés par les gens qui nous entourent...

J'entends le tic tac de la grosse horloge qui reprend... lentement... puis accélérant de plus en plus vite, les gens autour recommencent à bouger... une femme l'attrape par le bras et l'entraîne loin de moi !
"Mathilde ! Ne traîne pas, tu vas nous faire rater le train !" Et elle s'éloigne, inéluctablement, me jetant des regards désespérés tandis que je reste là, inerte, incapable de me ressaisir...

Ça y est, elle monte dans le train pour Versailles, je l'ai de nouveau perdu...

Alors le déclic se produit en moi, et sans comprendre pourquoi je me mets à courir, bousculant les gens qui me bloquent le passage, sortant en trombe de la gare, remontant la rue de Rome... station Liège... marchand de pianos... boutique de photocopies... Chaptal...
Mes poumons sont prêts à exploser, je cherche mon souffle... mais je cours toujours...
Je traverse le boulevard des Batignoles sans me soucier des voitures et je me plaque contre la rambarde du pont... criant au train qui s'éloigne que je l'aime.
"Mathilde ! Je t'attendrai encore ! Rejoins moi !"

Les badauds me jettent un regard mi-amusés mi-sidérés... mais ça m'est égal, j'ai revu Mathilde.
Le train s'éloigne... Elle est dedans... Je l'ai revu... elle...
Le train n'est plus qu'un point qui disparaît au loin... et bientôt il ne reste plus que les voies qui se rejoignent...

Mathilde... Un visage, un prénom... tant d'importance déjà !
Mathilde... quel que soit le temps qu'il me faudra, je t'attendrais, rejoins moi.

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